Acheter en ligne, prendre rendez-vous, s’informer, payer ses factures, utiliser les guichets automatiques ou les caisses libre-service qui se multiplient dans les commerces… L’omniprésence de la technologie a ses avantages, mais elle peut aussi creuser des inégalités sociales.

« Les achats en ligne, mon dieu… On a un participant qui nous dit : “Écoute, je savais pas, je pesais, je pesais, je pesais, mais au bout du compte, il dit, j’ai reçu 10 chandails!” »

Anne-Marie Gérin-Lajoie est formatrice pour ABC des Portages. Elle reçoit quotidiennement le témoignage de personnes qui vivent des difficultés, dans plusieurs sphères de leur vie, à cause des technologies.

« De plus en plus, on trouve dans la société des outils technologiques. […] Alors, les gens qui n’ont pas d’outil technologique se retrouvent à être mis de côté, vraiment, exclus d’un réseau soit de commerce ou de services essentiels », explique Anne Paquette, qui est coordonnatrice pour l’organisme communautaire.

Plusieurs raisons peuvent expliquer qu’une personne ait difficilement accès aux services en ligne, comme une alphabétisation plus faible, une mauvaise compréhension du Web, ou même le coût des services Internet. Ce phénomène d’exclusion est ce qu’on appelle la fracture numérique. Dans la MRC de Rivière-du-Loup, c’est 55 % des adultes qui n’ont pas le niveau de littératie pour être fonctionnel.

« C’est un chiffre qui fait peur, soutient Anne Paquette, mais, oui, il y a beaucoup de gens qui ne sont pas entièrement fonctionnel au niveau de leur littératie. […] Alors, c’est quoi être fonctionnel? […] C’est d’être capable de postuler pour un emploi, remplir des formulaires en ligne, comprendre une consigne qui peut être complexe, comprendre le bulletin de son enfant… »

Et être fonctionnel, c’est aussi utiliser Internet de façon sécuritaire, en tenant compte des risques. Il faut reconnaître les vrais sites des faux, distinguer les informations véridiques ou non, et surtout, identifier les risques de fraude ou de vol d’identité. Mais pour y parvenir, il faut comprendre ce qu’on consulte et lire tout ce qui s’affiche à l’écran.

Un problème dans toutes les sphères de la vie…

Et comme le virage numérique touche tous les types d’industries et d’institutions, ses impacts se font sentir dans toutes les sphères de la vie.

« Les participantes viennent nous voir : “On m’a dit qu’il fallait que je télécharge une application pour pouvoir prendre rendez-vous avec le professeur de mon enfant. Comment je fais ça, télécharger une application? Regarder les plages qui sont disponibles?” » témoigne Anne-Marie Gérin-Lajoie.

Elle raconte aussi l’histoire d’un participant qui se levait au petit matin pour s’exercer à utiliser le guichet automatique, ou encore celle d’une femme qui n’a pas payé ses services Internet pendant plus d’un an, car elle n’avait pas d’adresse courriel pour recevoir ses factures.

« Tout se fait en ligne, déplore la formatrice. On n’a plus d’aide humaine! »

Et une aide dans toutes les sphères de la vie

Les organismes d’alphabétisation, comme l’ABC des Portages, aident des citoyens à sortir de cette exclusion.

« On apprend les stratégies de lecture, on apprend à compléter des formulaires, mais on utilise aussi la technologie, explique Anne-Marie Gérin-Lajoie. Donc, on montre aux gens à utiliser leur cellulaire, la tablette, on utilise la télé intelligente… »

Les formations, en groupe ou individuelles, utilisent des situations concrètes, adaptées aux intérêts des participants ou aux situations problématiques qu’ils vivent. L’organisme peut même se déplacer sur le terrain, par exemple pour faire des simulations au guichet automatique.

« C’est qu’un organisme d’alphabétisation, c’est un organisme populaire : on fait cheminer la personne, oui, face au code écrit, mais aussi en lien avec son estime d’elle-même, prendre confiance, avancer dans la vie », poursuit Anne Paquette.

ABC des Portages accompagne chaque année une cinquantaine de personnes dans une démarche d’alphabétisation.