Souvent en contention dans un CHSLD: «On veut que notre mère soit détachée, ce n’est pas un animal»
Publié le 12 février 2024 à 19:53, modifié le 13 février 2024 à 08:54
Par: TVA Nouvelles

Photo courtoisie
Attristés et découragés de voir leur mère presque tout le temps sous contention dans un CHSLD de Charlevoix, les membres d’une famille lancent un cri du cœur afin que l’établissement public ajoute du personnel.
«On la visite chaque jour. On la trouve 19 fois sur 20 avec une contention, parfois calme, mais très souvent anxieuse et tirant sur la ceinture pour se détacher», dénonce Patrice Lavoie sur les réseaux sociaux.
Sa mère Paulette, 77 ans, est atteinte de démence et d’Alzheimer avancés. Elle réside au CHSLD de Baie-St-Paul depuis maintenant deux ans.
Quelques jours après son arrivée en milieu de soin longue durée, la dame s’est brisé la hanche.
«Vu son état et son incapacité à comprendre qu’elle ne pouvait pas marcher, on nous a incités à accepter qu’on lui applique une contention à la chaise quand elle était sans surveillance», a indiqué au Journal le fils de Paulette. La contention était prescrite par le médecin, car il y avait un risque élevé de chute.
La mesure «devait être temporaire», soutient M. Lavoie, qui est également porte-parole chez Héma-Québec. Avec sa sœur, ils ont «signé à contrecœur», soutenant qu’ils n’avaient aucun autre choix.
Or, depuis sa guérison, le personnel n’a cessé de l’attacher, prétextant qu’il manque de personnel pour la surveiller, qu’elle est souvent agitée et qu’elle pourrait chuter à nouveau.
Systématique
Malgré «des dizaines de courriels, de rencontres et de suivis au personnel, les excuses pleuvent», décrit le fils.
«Ils ont toutes les raisons du monde de la garder attachée au lieu d’ajouter du personnel et modifier les ratios.»
Presque chaque jour, Patrice Lavoie ou sa sœur rendent visite à leur mère et ils la retrouvent attachée. Toujours la même rengaine, critique M. Lavoie.
«On nous répond systématiquement qu’elle «vient tout juste d’être attachée quand on arrive» et qu’elle a «été détachée de nombreuses heures», dénonce-t-il.
Il signale être «mal à l’aise» de devoir dénoncer la situation en raison du personnel en place qui fait un travail exceptionnel avec des ressources limitées. «Ce ne sont pas eux le problème, ils sont à bout et font de leur mieux. C’est le système et la gestion par la direction qui créent un écueil entre les besoins et la capacité», souligne-t-il.
M. Lavoie croyait qu’après les horreurs vécues durant la pandémie par nos personnes âgées vulnérables, les choses auraient changé.
À bout, Patrice Lavoie a même levé le ton devant le personnel, espérant se faire entendre.
«J’ai osé chialer et dire haut et fort que c’était inacceptable. Un agent de sécurité m’a menacé de me sortir, d’appeler la police et m’a nargué jusqu’à dire que ma mère n’était peut-être pas à la bonne place. On doit fermer notre bouche et accepter le sort de nos proches, sinon on nous menace», a-t-il raconté.
Héritage des maisons psychiatriques
Paul Brunet du Conseil pour la protection des malades explique qu’il s’agit «d’un vieux réflexe hérité des maisons psychiatriques» pour des gens qui ne sont pas organisés et des lieux qui ne sont pas adaptés.
«Dans un endroit adapté, on laisse errer les gens et on ne les attache pas. Mais, quand on n’est pas équipé parce qu’on n’a pas écouté les conseils et les plans que le ministère donnait depuis 10 ans sur l’augmentation sévère du nombre de gens avec des pertes cognitives qui disent qu’on devait adapter nos lieux… on est pogné avec ça», explique-t-il.
Le lieu doit être sécuritaire et il existe d’autres méthodes pour protéger les résidents, comme des systèmes électroniques de prévention des chutes.
De plus, il s’agit d’un geste illégal si l’établissement n’a pas la permission de la personne ou de son représentant légal.
«Si on n’a pas ça, tout de suite on commet une illégalité», dit-il.
Selon Hélène Guay, avocate en droit de la santé et droits de la personne, le recours à une mesure de contention est d’abord et avant tout exceptionnel et ne peut être envisagé qu’en dernier recours.
«La contention, qu’elle soit physique ou chimique, ne doit être utilisée qu’à défaut d’atteindre l’objectif visé de protection de la personne ou de son entourage par un autre moyen», écrit-elle dans un rapport publié en 2018 pour la Fédération des centres d’assistance et d’accompagnement aux plaintes.
La directrice de l’établissement, Julie Huot, a indiqué au Journal qu’il s’agissait d’un dossier complexe et confidentiel.
Le CIUSSS de la Capitale-Nationale soutient que dans tous les établissements de santé, la contention est encadrée par un protocole.
«L’utilisation d’une mesure de contrôle doit faire l’objet d’une prescription médicale, être limitée à la présence d’un risque imminent pour la personne ou pour autrui, et n’être envisagée qu’en dernier recours, lorsque toutes les mesures de remplacement appropriées à la situation ont été appliquées et évaluées», indique la porte-parole Mélanie Otis.
Article de Nicolas Lachance, Journal de Québec