Souvenir et résistance : 50 ans après les Opérations Dignité
Publié le 22 août 2024 à 16:35, modifié le 23 août 2024 à 08:48
Par: Gala Dionne
Il y a cinquante ans, le Bureau d’aménagement de l’Est-du-Québec (BAEQ) revenait sur sa décision de fermer plusieurs villages gaspésiens, marquant un tournant dans l’histoire de la région. Bien que 21 000 personnes aient été expropriées, c’est le mouvement populaire des Opérations Dignité qui reste gravé dans la mémoire collective.
Saint-Paulin-Dalibaire, Saint-Thomas-de-Cherbourg, Saint-Octave-de-l’Avenir : ces noms résonnent encore comme des symboles de communautés sacrifiées. Au début des années 1970, le BAEQ, soutenu par le gouvernement, a ordonné la fermeture de ces villages. L’objectif affiché était de permettre à la Gaspésie de rattraper son retard économique. Cependant, selon Martin Gagnon, la réalité était bien plus complexe.
« On voulait voir comment on pouvait repositionner le monde sur un territoire pour améliorer leurs conditions de vie. Ça, c’est la façade. Bien entendu, récupérer ces terres-là, c’était beaucoup aussi l’intérêt du gouvernement de récupérer pour des compagnies privées qui contribuent aux caisses électorales, pour le bois, pour les mines, » explique Gagnon, qui s’est penché sur cette période de l’histoire gaspésienne.
Entre 1969 et 1976, 22 villages ferment en Gaspésie, mais la résistance s’organise rapidement dans les communautés rurales visées. Le mouvement des Opérations Dignité, lancé par des curés et des résidents mobilisés, émerge comme une force de contestation déterminée.
« Il n’y avait rien qui les obligeait à brûler les maisons, à couper l’électricité pendant l’hiver. Ils ont même menacé de fermer les écoles, de retirer les services essentiels. C’était des méthodes de pression intolérables, » déplore Martin Gagnon, pointant du doigt la brutalité de certaines fermetures de villages.
Pour ne pas oublier ce passé difficile, le Centre de mise en valeur des Opérations Dignité organise diverses activités commémoratives. Lise-Anne Poirier, originaire du village disparu de Saint-Jean-de-Brébeuf, s’interroge sur les leçons que l’on peut tirer de cette époque.
« Avec la montée des eaux et tous les gens qui ont construit au bord de la mer, qui sont obligés de quitter, est-ce que, éventuellement, on pourrait chercher des endroits sécuritaires, comme une montagne, pour vivre ? Est-ce que Brébeuf pourrait renaître ? » se demande-t-elle, évoquant les défis environnementaux actuels.
Malgré les décennies écoulées, la majorité des communautés québécoises dévitalisées se trouvent encore dans l’Est-du-Québec, selon le ministère des Affaires municipales. Le souvenir des Opérations Dignité, lui, reste un rappel poignant de la résilience des communautés face aux forces du changement imposées d’en haut.