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Nouvelles

Arrestation musclée à Campbellton: le policier déclaré coupable

Publié le 28 février 2024 à 13:34, modifié le 29 février 2024 à 08:59

Par: Patrick Giguère

Le policier de la GRC de Campbellton, accusé de voies de fait sur un sans-abri, a été déclaré coupable mercredi après-midi.

On reprochait à Pierrick Caron d’avoir utilisé une force excessive pour procéder à l’arrestation d’André Mercier dans le stationnement du Tim Hortons de la rue Roseberry, en juillet 2021.

Selon la juge Brigitte Sivret, le policier a utilisé une force disproportionnée dans les circonstances. L’arrestation était aussi sans motif et illégale.

Elle n’a pas cru le témoignage que l’accusé Pierrick Caron a livré lors de son procès, en octobre dernier.

Une partie du récit du gendarme lui semble exagérée et invraisemblable.

Dans sa décision écrite de 13 pages, la magistrate n’est pas doux à l’endroit de l’accusé.

Le 2 juillet 2021, la gérante de la chaîne rapide a contacté le détachement de la GRC parce que André Mercier faisait des va-et-vient dans le restaurant et rendait des clients inconfortables.

L’agent aurait demandé à Mercier de sortir à l’extérieur, mais la situation s’est envenimée.

Lors des échanges, le plaignant aurait déclaré spontanément au policier qu’il avait commis un vol : « J’ai rien fait de mal, j’ai pas volé, j’ai pris quelque chose, mais c’est correct. »

Caron a alors  voulu procéder à l’arrestation de Mercier, mais celui-ci a refusé de collaborer et l’a attaqué, selon le compte rendu de l’accusé présenté à son procès. Mercier se serait retourné vers le policier pour le pousser , aggriper sa veste , lui donner des coups de pieds et tenter de lui cracher dessus.

Or, selon les observations de la juge, les images des caméra de surveillance du restaurant et le témoignages de deux témoins occulaires de l’altercation ne concordent pas avec la version de l’accusé.

« Ce témoignage me semble exagéré et invraisemblable. J’ai eu l’impression que le gendarme Caron dressait une liste de tous les gestes imaginables qu’aurait pu poser Mercier envers lui pour démontrer jusqu’à quel point Mercier était malfaisant et agressif », écrit la juge Sivret.

« Autre que cette déclaration qu’aurait offert Mercier, rien dans la preuve est susceptible de constituer des motifs raisonnables pour justifier la détention ou l’arrestation de Mercier le jour en question » – extrait du jugement.

Deux personnes ont vu le gendarme soulever Mercier de terre en le prenant par le cou et la ceinture avant de le projeter au sol en le faisant passer par-dessus la rampe de protection. L’accusé avait nié ses faits en disant qu’il n’était pas assez fort pour faire ça.

Le sujet a été poussé contre un mur extérieur du restaurant avant d’être plaqué au sol frappé à une dizaine de reprises par le constable.

L’agent Caron avait tenté de faire croire qu’il avait mis en pratique des techniques enseignées à l’école de police -soit des coups de distraction- pour venir à bout de maitriser Mercier.

« Il me semble évident que de projeter Mercier dans les airs, s’installer à deux genoux sur sa poitrine, lui infliger 19 coups de poing alors qu’il se débattait, pleurait et implorait au gendarme Caron d’arrêter (…) et ajouter deux coups de genou aux jambes n’était pas nécessaire dans les circonstances ni proportionnelle au simple soupçon d’avoir peut-être commis un vol à l’étalage. »

C’était la troisième fois ce jour-là que Mercier était mêlé à des interventions policières.

Le sans-abri est connu par les policiers pour être imprévisible, agressif et pour des problème de consommation et de santé mentale.

D’après la juge, Caron avait déjà en tête de lui passer les menottes avant même d’arriver sur les lieux. Sur les ondes radios, il avait transmis le message suivant à ses collègues:« Si on l’arrête pas aujourd’hui, on va l’avoir dans nos jambes toute la fin de semaine. »

« Il est évident que le gendarme Caron avait déjà décidé de procéder à l’arrestation de Mercier à ce moment. Ceci contredit son témoignage à l’effet qu’il a formulé le motif de soupçonner que Mercier avait commis un vol alors que Mercier a fait une déclaration à cet effet pendant qu’il était à l’intérieur du Tim Hortons. Le gendarme Caron a tenté de mettre en contexte le message diffusé ses collègues, mais son explication, à mon avis, ne tient pas la route. Il est devenu impatient, défensif et même un peu agressif lorsque ce sujet a été soulevé lors de ce son contre-interrogatoire » –extrait du jugement.

Même si l’article 25 du Code criminel permet aux agents de la paix d’utiliser la force dans l’exercice de ses fonctions, dans le cas ici présent, la juge l’a considéré comme étant «disproportionnelle , non nécessaire et déraisonnable dans les circonstances.»

La juge croit donc que le témoignage du policier n’est pas fiable et ne représente pas fidèlement ce qui s’est réellement passé.

Elle ajoute que si Caron croyait qu’un crime avait été commis, il aurait dû initier une enquête avant de précipiter une arrestation et demander des renforts.

Pierrick Caron a contredit deux témoignages de témoins oculaires de l’événement de juillet 2021, présentés par la poursuite, lors de son procès.

Dix personnes ont pris la parole lors du procès qui aura duré trois jours.

L’accusé âgé dans la trentaine était accompagné de sa conjointe, de membres de sa famille et de plusieurs policiers. La salle de cour était pleine à craquer.

Un rapport présentenciel a été ordonné.

Avant de quitter, la juge a fait savoir que c’était la première fois quelle imposerait une peine à un agent de la paix dans l’exercice de ses fonctions. Elle a alors demandée aux avocats des deux parties de bien faire leurs recherches.

Pierrick Caron doit revenir devant le tribunal 11 juin prochain pour connaître sa peine.