Prévisions météo
État des routes
Marées
Faire défiler
Faire défiler
Faire défiler

Nouvelles

Aide juridique: des accusés à la recherche d’un avocat

Publié le 19 février 2024 à 21:01, modifié le 20 février 2024 à 15:16

Par: Patrick Giguère

Avoir accès à une défense pleine et entière, c’est un droit fondamental. Mais pour plusieurs accusés à faible revenu en Gaspésie, trouver un avocat pour les représenter n’est pas une mince affaire.

Ça fait trois mois que Gaétan Henry multiplie ses tentatives pour trouver un avocat qui accepterait de le défendre dans une cause de violence conjugale. Mais à chaque fois, le résident de Maria se bute à des refus.

« Je suis tanné de ça, je suis fatigué, ça me brûle… Je pesais à peu près 140 livres et regardez-moi aujourd’hui, j’en pèse à peu près 100 livres ! Ils me disent qu’ils ne prennent pas de dossiers d’aide juridique. J’ai appelé jusqu’à Amqui », affirme  l’homme.

Le sexagénaire n’est pas le seul à être confronté à cette situation. Des dizaines d’accusés sont contraints de devoir se représenter seul lors de leur convocation devant les tribunaux.

« C’est vraiment plate pour le judiciable parce que c’est complexe et ce n’est pas pour rien que les avocats sont là. Toutes les procédures, le droit fondamental, ça donne ce que ça donne au tribunal », mentionne l’avocate Isabelle Gagnon.

Plusieurs facteurs peuvent peser dans la balance.

Dans un premier temps, puisque l’aide juridique du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine est régie sous une même entité, les  deux impliqués dans une affaire ne peuvent être représentés par l’organisme paragouvernemental. Le seconde personne devra alors entreprendre des démarches pour se faire représenter par un avocat d’un cabinet privé qui accepte les mandats d’aide juridique.

La rémunération versée aux avocats de pratique privée n’est pas suffisante pour couvrir la préparation du dossier, le temps déplacement et les frais reliés à la comparution.

Selon les données du Barreau du Québec, au Bas-Saint-Laurent-Gaspésie-Les-Îles-la-Madeleine, dans les cinq dernières années, 27 avocats ont remis leur démission, 81 avocats se sont inscrits et 69 ont quitté l’ordre.

Il y a 298 avocats  actifs sur le territoire.

Six avocats permanents travaillent pour l’aide juridique en Gaspésie et aux Îles. Il en faudrait beaucoup plus selon la bâtonnière de la région.

« En matière familiale et criminelles confondue, ça nous prendrait un bon sept avocats de l’aide juridique et un bon 10 avocats du privé qui accepteraient seulement des mandats d’aide juridique, mais on ne peut pas en inventer », fait savoir Me Gagnon.

Et encore faut-il trouver un avocat de la pratique privée qui acceptera de revêtir sa toge pour gagner quelques dollars… les honoraires versés aux professionnels englobent l’ensemble d’un dossier.

« Dans certain cas, c’est un salaire qui est en dessous du salaire minimum ou même de devoir payer pour devoir travailler », mentionne Me Gagnon, qui donne l’exemple que le gouvernement offre 27 $ pour reporter un dossier en matière familiale à une date ultérieure.

« Les gens sont fâchés et je les comprends, mais quand on leur explique qu’on fait du bénévolat, il faut qu’on arrête de taper sur la tête des avocats », mentionne sur un ton irité Me Isabelle Gagnon.

« Il y a beaucoup de chemin à faire pour représenter des clients et ce n’est pas vraiment récompensé. Si ça prend deux heures pour se rendre du point A au point B, c’est du temps d’avocat. Tout ça n’est pas vraiment reconnu par les tarifs actuels », spécifie la présidente de l’ordre des avocats du Québec, Me Catherine Claveau.

Selon Gaétan Henry, le gouvernement doit revoir ses priorités.

« Le gouvernement, quand c’est pour dépenser pour l’armée ou des si ou des ça, ils le font. Mais quand c’est pour une personne comme moi ou d’autres personnes sur la terre, c’est zéro et une barre », rage l’ancien résident de Saint-Alphonse-de-Caplan.

«Au gouvernement, on nous dit: on favorise l’accès à la justice, on a augmenté les seuils d’admissibilité à l’aide juridique, mais il n’y a pas plus d’avocats qui en prennent. Donc, il y a plus de gens qui pourraient avoir accès à l’aide juridique, mais il n’y a pas les ressources pour les prendre » , ajoute l’avocate de Bonaventure, Me Gagnon.

Le barreau régional se penche actuellement sur des actions à prendre pour inciter les finissants en droit à venir pratiquer en région.

Quant à la réforme de la structure du régime de l’aide juridique qui s’étire en longueur, les négociations sont au point mort.

La dernière proposition de Québec, qualifiée de finale, a été rejetée à l’unanimité.