Une des deux chirurgiennes de l’Hôpital Notre-Dame-du-Lac rassure la population sur les médias sociaux
Publié le 13 novembre 2017 à 10:43, modifié le 13 novembre 2017 à 10:43
Par: CIMTCHAU

L’hôpital de Notre-Dame-du-Lac sera dépourvu de chirurgien entre les mois de décembre et juin prochain. Une situation qui a grandement fait réagir. L’une des deux chirurgiennes en poste a publié un texte «Questions/réponses» pour répondre aux inquiétudes des citoyens.
Voici son commentaire intégral publié sur les réseaux sociaux:
QUESTIONS ET RÉPONSES SUR LA SITUATION AU BLOC OPÉRATOIRE DE L’HÔPITAL DE NOTRE-DAME-DU-LAC
Bonjour à tous!
Vous avez sans doute vu passer beaucoup d’informations concernant le bloc opératoire. Laissez-moi me présenter, je suis une des deux chirurgiennes qui est en poste à Notre-Dame. J’y suis depuis 2015 et je viens de commencer la semaine dernière mon congé de maternité. La situation du bloc opératoire et du recrutement des médecins étant complexe, je vous ai préparé un « questions et réponses » pour vous aider à vous y démêler. J’ai également mis à la fin des actions que vous pouvez faire comme citoyens et usagers du système de santé pour nous aider à résoudre la situation. Merci de prendre le temps de tout lire et n’hésitez pas à me demander de clarifier certains points si ce n’est pas clair. Je n’ai pas toutes les réponses et malheureusement bien peu de pouvoir pour faire changer certaines choses, mais je fais de mon mieux car comme vous, je tiens à ce que nous gardions un accès à nos services de proximité.
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EST-CE QUE LE BLOC OPÉRATOIRE VA ÊTRE FERMÉ À PARTIR DE DÉCEMBRE?
Non, il n’est pas question de fermeture du bloc opératoire et cela n’est pas envisagé même si aucun chirurgien remplaçant n’est trouvé. Même si la présence d’un chirurgien général est ce qui nourrit en grande partie notre bloc opératoire, d’autres activités peuvent s’y pratiquer et il n’est pas question pour l’instant de diminuer les journées d’ouvertures du bloc opératoire. En l’absence d’un chirurgien, les services de d’autres professionnels de la santé peuvent être mis à contribution pour garder un certain niveau d’activité et c’est ce qui sera fait si aucun chirurgien remplaçant n’est trouvé.
2. EST-CE QU’ON PEUT CONTINUER DE CONSULTER À L’HÔPITAL?
Tous les services demeurent ouverts et fonctionnels. Si vous deviez avoir besoin d’une opération d’urgence, il est important de consulter à l’urgence de l’hôpital de Notre-Dame-du-Lac ou de Pohénégamook dans les plus brefs délais sans changer vos habitudes. Mes collègues médecins de famille feront l’évaluation et les examens initiaux, et si vous avez effectivement besoin de services de chirurgie d’urgence, ils pourront vous rediriger vers un centre approprié (Rivière-du-Loup ou Edmunston) et ces procédures sont bien établies. Comme un remplaçant peut devenir disponible à la dernière minute, il faut garder l’habitude de consulter dans le Témiscouata en premier. Rappelons nous également que nos délais d’attente en salle d’urgence sont parmi les meilleurs de la province et que les routes 185 et 289 sont parfois difficiles à pratiquer l’hiver alors ne mettez pas votre vie en jeu inutilement.
3. SI J’AI BESOIN D’UN CHIRURGIEN DE FAÇON NON URGENTE, QUE FERA MON MÉDECIN DE FAMILLE?
Selon l’importance de votre condition, votre médecin de famille vous orientera vers la bonne ressource. Il faut savoir que plusieurs conditions peuvent attendre avant d’être évaluées en chirurgie. En l’absence de chirurgien, je ferai moi-même le tri des demandes de consultations qui nous parviennent des médecins de famille. Il est possible que nos délais d’attente soient un peu plus longs qu’auparavant en mon absence, mais ils demeurent encore là bien en dessous de la moyenne de la province et très raisonnables. Si un chirurgien remplaçant est présent, celui-ci pourra vous évaluer dans les délais habituels et probablement vous offrir de pratiquer l’intervention également. La majorité des patients pourront être vus et opérés à Notre-Dame-du-Lac dans des délais tout à fait raisonnables. Les seuls cas qui seront référés ailleurs sont les cas urgents (moins de 48h) ou semi-urgents (moins de 10 jours) qui se présenteront dans notre milieu lors des périodes de découverture (d’absence de chirurgien).
4. POURQUOI EST-CE SI DIFFICILE DE TROUVER DES REMPLAÇANTS?
La réponse à cette question se fait en 2 parties. Il faut distinguer le « dépannage » et le recrutement pour un « poste ». Le dépannage consiste à faire venir un chirurgien qui travaille ailleurs pour permettre le maintien des activités. Un poste est un engagement du chirurgien à faire la majorité de sa pratique dans un milieu désigné, ce qui est mon cas actuellement. Je vais donc expliquer les obstacles pour ces deux situations.
OBSTACLES AU DÉPANNAGE
Il faut savoir que les règles qui régissent quel chirurgien a droit de faire du dépannage et où il peut le faire se sont resserrées dans les deux dernières années sous l’administration Barrette. Auparavant, un chirurgien retraité, ou qui ne faisait qu’une pratique de dépannage (itinérant) ou travaillant vraiment loin de l’hôpital dans le besoin pouvait faire du dépannage n’importe où sur le territoire québécois. Maintenant, pour pouvoir faire du dépannage, il faut avoir un poste permanent dans un autre hôpital. Pour pouvoir faire du dépannage sur une plus longue période (plus de 3 mois), il faut également passer par un processus plus complexe et plus long pour obtenir des privilèges (droit de pratique) pour 1 année. Aussi, pour obtenir un permis prolongé, il faut être en poste dans un établissement associé au même réseau universitaire, ce qui veut dire que pour travailler dans le Bas-St-Laurent, le chirurgien en question doit avoir son poste dans un hôpital relié au réseau de l’Université Laval (donc, par exemple, un chirurgien montréalais ne peut obtenir ce genre de privilèges à moins d’une dérogation venant directement du ministère, un autre processus complexe et long). Il faut également savoir que les chirurgiens qui vont travailler dans un autre hôpital doivent utiliser leurs périodes de vacances personnelles pour aller travailler ailleurs, ce qui limite leurs disponibilités. Et à cela, s’ajoute le fait que dans plusieurs hôpitaux de région comme chez nous, il faut avoir une expertise pour faire des césariennes ce qui n’est pas le cas de tous les chirurgiens.OBSTACLES AU RECRUTEMENT POUR UN POSTE
Il faut savoir qu’à chaque année, peu de nouveaux chirurgiens sont formés. Bien qu’à chaque année de nouveaux médecins commencent leur formation en chirurgie, ce ne sont pas tous qui terminent la formation. Par exemple, dans ma cohorte, nous étions 8 médecins à commencer la formation chirurgicale et seulement 3 d’entre nous ont complété les 5 ans de formation et sont maintenant chirurgiens. Les postes en ville sont généralement très convoités pour diverses raisons : plus de support de d’autres spécialistes, équipement spécialisé, gardes moins fréquentes, résidents (médecins en formation) qui supportent le travail des chirurgiens, plus facile pour le conjoint ou la conjointe de se placer. Les postes en région représentent un grand défi pour un chirurgien qui débute. Les gardes sont fréquentes (ici, c’est une semaine sur 2 où nous sommes disponibles 24h/24 pour l’hôpital), la variété des cas plus grande et l’éloignement fait en sorte que nous devons souvent nous débrouiller sans pouvoir compter sur le support immédiat d’un collègue ou d’un spécialiste d’une autre discipline. Malheureusement, même nos associations médicales font parfois mauvaise presse à ces postes en région en utilisant des termes comme « postes suicide » ou « suicide professionnel », ce qui décourage les finissants et leur donne l’impression que ce travail leur fera perdre leur expertise chèrement acquise.5. EST-CE QU’IL Y A DES POSSIBILITÉS QU’ON RÉUSSISSE À TROUVER DES DÉPANNEURS?
Oui, nous avons bon espoir de réussir à trouver des dépanneurs pour la durée de mon congé de maternité et éventuellement de combler le poste vacant. Nous avons déjà des contacts avec des chirurgiens mais la partie coordination et le côté administratif demeurent à compléter. Tous les efforts sont mis en ce sens. Un assouplissement des règles nous permettrait de faciliter ce recrutement. Nous regardons également pour obtenir de l’aide au niveau régional, ce qui ne semble pas encore possible. Il faut savoir que la loi 130, nouvellement en vigueur, pourrait forcer des chirurgiens à venir travailler chez nous ; mais personne ne souhaite que cela soit mis en application car il ne s’agit pas d’une solution qui nous aide à long terme.
6. QUE POUVONS-NOUS FAIRE COMME CITOYEN POUR AIDER?
La première chose est de continuer à utiliser les services de l’hôpital de Notre-Dame-du-Lac comme nous en avez l’habitude. Vous aurez droit au même accueil et aux mêmes services qu’à l’habitude et advenant l’absence de services chirurgicaux, vous serez redirigés vers la bonne ressource. Cesser d’utiliser nos services résultera en des « statistiques » (oui, tout est compté dans le système de santé) qui donneront l’impression que la clientèle n’a pas besoin de nos services, et pourra donc donner des arguments au ministère pour diminuer les services sur le terrain.
Ensuite, demeurez prêts à vous mobiliser en cas de besoin. Si la situation devenait critique, il est évident que le support de la population sera nécessaire pour rappeler à nos élus l’importance que nous accordons à avoir nos services de proximité. Comme citoyens, vous pouvez également écrire à votre député et au ministre de la santé pour exprimer vos inquiétudes.
Également, si vous vivez une situation en lien avec la découverture chirurgicale dans laquelle vous ou un de vos proches vous sentez lésés, n’hésitez pas à faire appel à notre comité des usagers. Je pense particulièrement à nos ainés ou notre clientèle à mobilité réduite, pour qui un transfert ou un séjour dans un autre centre que le nôtre pourrait engendrer des problèmes. Par exemple, si vous devez faire du kilométrage supplémentaire, payer du stationnement en plus ou manquer davantage de travail pour consulter dans un autre milieu (ou accompagner l’un de vos proches), vous pouvez également transmettre cela au comité des usagers de notre hôpital. Si vous avez l’impression que les délais pour avoir accès aux services sont démesurément longs, n’hésitez pas à le mentionner également.
Finalement, continuez de vous tenir informés de la situation, que ce soit par les médias traditionnels et les médias sociaux. Méfiez-vous des titres à sensations et prenez la peine de lire les articles complets et d’écouter les reportages en entier. N’hésitez pas à poser des questions sur cette page, plusieurs travailleurs de la santé pourront vous répondre et je tenterai personnellement de répondre au maximum de vos questions à travers mes obligations personnelles durant mon congé de maternité.
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Sachez que je partage vos inquiétudes et que mon équipe et moi mettons tous les efforts nécessaires à pallier à la situation le plus rapidement possible. L’administration du CISSS connaît et partage nos inquiétudes. En plus d’être médecin, je suis également une utilisatrice des services de l’hôpital de Notre-Dame-du-Lac et je tiens moi aussi à pouvoir continuer d’en bénéficier longtemps.
Merci de votre support,
Emilie Desrosiers
Chirurgienne générale
Hôpital Notre-Dame-du-Lac