Usine à chiens à Pointe-à-la-Croix: une histoire de famille
Publié le 21 avril 2023 à 19:26, modifié le 24 avril 2023 à 13:30
Par: Patrick Giguère
Une famille entière opère une usine à chiens à Pointe-à-la-Croix. Selon nos sources, la famille Landry pourrait être à la tête d’un réseau organisé au Nouveau-Brunswick et en Gaspésie, depuis bon nombre d’années. CHAU-TVA s’est rendu aujourd’hui dans un autre élevage.
Notre enquête nous amène sur le chemin de la Petite-Rivière-du-Loup parce que c’est à cet endroit que réside Mélanie Landry, qui serait le cerveau de ces usines à chiens. Sur place, on peut apercevoir quelques chiens attachés, au soleil, sans eau ni nourriture.
Lors de notre passage, nous avons pu entendre des chiens aboyer et qui semblaient être dans des enclos ou des roulottes fermées.
Le conjoint de la femme, qui possède la page Facebook Miss Doodles, sort de la résidence et demande à notre journaliste de quitter les lieux.
D’après les dires d’une de nos sources, qui est une amie proche de la famille, plusieurs de ces chiens sont envoyés à l’extérieur de la région.
« Elle essaie de vendre les chiens à l’extérieur. Elle pose les chiens quand ils sont tous petits et elle met des petites boucles pour les mettre cutes. Elle les affiche sur Facebook à vendre. Elle en vend aussi aux États-Unis, à Montréal, Québec, en Ontario. Les chiens sont expédiés par camion », rapporte la femme.
Quant aux espèces invendues, blessées ou malades, elles seraient envoyées chez d’autres membres de la famille de Mélanie Landry. Selon différentes personnes, souvent ces chiens se retrouvent à la résidence familiale de la rue des Méandres, à Pointe-à-la-Croix, pour être vendus à un prix dérisoire ou donnés. C’est d’ailleurs à ce terrain que ses parents et un de ses frères, Carl Landry, ont érigé un chenil qui pourrait renfermer jusqu’à 200 chiens, dont certains seraient dans un état de santé douteux.
« Elle envoie [les chiens] à son frère et dans des spots qui gardent ça dans leur sous-sol, leur grange et champ. Ceux qui sont malades, ils les donnent. Ceux qui ont de l’allure, ils essaient de les vendres», poursuit notre informatrice.
Un autre des frères de Mélanie exploiterait un autre chenil dans le Restigouche.
Des informateurs nous ont aussi dirigé vers une ancienne écurie du chemin Shipyard, aux limites de la municipalité. Selon eux, des chiens seraient gardés en captivité à l’intérieur. À notre arrivée, des gens montaient la garde à bord de deux voitures. Sans grande surprise, les quatre personnes présentes ont décliné notre demande d’entrevue.
« C’est un gros réseau. Pas mal plus que les gens le pensent. Il est temps que ça finisse. Là le monde se passe le mot et l’union fait la force », laisse tomber une amie de la famille.
« [ Je suis] tellement attristée pour ces chiens. Mon message n’aide probablement peu, mais à cette écurie, il y a définitivement beaucoup de chiens sans présence humaine.En septembre dernier, j’étais dans une retraite et je marchais sur cette route à tous les jours. J’entendais des jappements…je voulais faire un signalement, mais d’après les ressources vérifiées, je devais avoir des preuves de maltraitance. Malheureusement, j’entendais seulement japper sans preuve de maltraitance. Mon coeur est déchiré en milles morceaux », écrit une internaute.
Une autre femme qui requiert l’anonymat pour des raisons de sécurité nous a confié qu’elle a acheté un chien provenant de chez Mélanie Landry via une tierce personne de New Richmond. Les images qu’on lui a envoyées ne correspondaient aucunement au pitou qu’elle a adopté.
« Il manquait des bouts de poils sur le dos. Il n’avait vraiment pas la même couleur que sur la photo. Il sentait vraiment mauvais. Ça empestait le char. Il avait des puces et il faisait des selles en eau. Il était vraiment malade. Quand j’ai contacté la vendeuse, elle a refusé de me rembourser.»
À la mairie, on peut comprendre via la bouche du directeur général que les chenils ne respectent pas les règles de zonage en vigueur. La situation était connue, mais tolérée.
« Je ne peux pas répondre pour le passé, mais depuis 2021 on n’a jamais reçu de plaintes à la municipalité. (…) Nous autres on attend juste les résultats de l’enquête du MAPAQ pour voir qu’est ce qu’on peut faire de notre côté », indique André Carrier.
Les deux chenils s’exposent à des constats d’infraction de quelques milliers de dollars pour avoir contrevenu à la règlementation municipale sur le zonage. Le directeur général espère que le travail des inspecteurs du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) permettra de mettre un terme à ces reproducteurs de chiens sur son territoire.
Rappelons que les deux chenils que nous vous avons présentés dans le cadre de nos reportages ne détiennent aucun permis pour exploiter ce genre de commerce. Ce sont des sites connus et visités depuis longtemps par les inspecteurs du MAPAQ. Des visites d’observations ont été réalisées dans les derniers jours.
L’organisme provincial responsable de la sécurité et le bien-être des animaux profite de la tribune pour inviter les futurs acheteurs d’animaux à ouvrir l’oeil.
« À chaque fois que quelqu’un achète un animal, les gens ne doivent pas être gêner de poser des questions sur la provenance des animaux, comment ils sont élevés et s’il est possible de visiter les lieux. Si vous voulez acheter un animal pis quelqu’un vous refuse les lieux, il y a des lumières à allumer. Il faut se poser des questions», lance le relationniste Yohan Dallaire Boily.
Le MAPAQ assure que l’enquête se poursuit et que d’autres inspecteurs effectueront des visites dans les jours à venir.
Mise en garde
L’équipe du Réseau de Protection Animale de la Baie-des-Chaleurs a tenu à mettre en garde ceux et celles qui seraient tentés de récupérer des chiens à donner.
«Sachez qu’en allant « sauver » quelques-uns de ces animaux, vous en prenez l’entière responsabilité, et que chaque chien retiré avant l’intervention du MAPAQ ne pourra être repris par ces derniers. Chaque chien retiré avant l’intervention gouvernementale représente aussi des chefs d’accusation de moins pour le responsable de cette situation infernale. En allant chercher ces chiens, vous aidez leur propriétaire à cacher des preuves en lien avec les pénalités auxquelles il fera face.»
« Ces chiens devraient être pris en charge de façon responsable et planifiée, recevoir les soins vétérinaires nécessaires, avoir un avenir meilleur… Le Réseau espère de tout coeur que ceux qui ont déjà été sortis de là par des citoyens seront tous stérilisés et soignés, qu’ils ne seront pas utilisés à nouveau pour produire encore d’autres chiots».
«Faites pression pour que les animaux soient pris en charge par l’instance gouvernementale financée pour le faire, plutôt que des gens le fassent à leur place, et assurez-vous ainsi de faire votre part pour que le créateur de cette situation soit tenu responsable de ses actes!», implore les responsables de l’organisme animalier gaspésien.
Il sst possible de déposer une plainte au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) en composant le numéro suivant 1-844-ANIMAUX (1-844-264-6289).